Société du Rallye Bourgogne

(1832 - 1867)

Maître(s) d'équipage Comte de La Ferrière (1860 - 1867)
M. Ligier de Saint Pierre (1859 - 1860)
Comte de Montmort (1850 - 1859)
Marquis Carle de Mac Mahon (1845 - 1850)
Marquis Charles de Mac Mahon1832 (1832 - 1845)
TerritoireDivers
Fanfare(s)La Rallye Bourgogne, Le Souvenir de Sully
Historique

L’histoire du Rallye Bourgogne reflète celle des mutations politiques et de l’expansion économique de la période 1830-1870, car elle met en scène des personnages mal remis des fractures politiques du début du XIXème, qui sentaient vaciller le socle foncier de leur patrimoine. Elle a d’autre part pour théâtre cette vaste zone géographique située entre les deux pôles d’expansion économiques que sont Paris et Lyon. C’est là que renaît dans la première moitié du XIXème siècle, lors de l’éclosion de tous les grands équipages de l’Ouest et du Centre.

 

Le marquis de Foudras, historiographe du Rallye Bourgogne, en décrit les prémisses : la Société – A Moy Morvan – existait depuis 10 ans quand éclate la révolution bourgeoise de 1830, qui incite les légitimistes à s’exiler sur leurs terres, en abandonnant leurs fonctions officielles. D’autre part Louis-Philippe, soucieux des deniers publics, ouvre les forêts domaniales aux adjudications publiques. D’où l’émergence en Bourgogne de nouvelles couches de veneurs appréciant la vénerie de façon différente de celle de leurs prédécesseurs.

 

Quelles furent les circonstances de ce changement ? Laissons la parole à Foudras, dans sa Vénerie Contemporaine : « On finit par conclure que cette menée rapide des bâtards anglais qui rendait 9 fois sur 10 l’hallali certain, offrait des émotions bien plus puissantes que la sage lenteur et le beau fruit des Vendéens, Saintongeois, Normands, et Picards… L’on décida que seul l’avenir appartenait aux coureurs d’Outre-Manche. Les novateurs et les déserteurs de l’ancien système furent donc d’accord pour proclamer le triomphe définitif de la chasse à grande vitesse avec la race anglaise.

 

En conséquence, on déclara défunte la Société « A Moy Morvan », on décréta séance tenante la création de celle du Rallye Bourgogne comme devant seule représenter désormais la vénerie du progrès, et toutes les personnes présentes prirent l’engagement de se réunir chaque année sous la bannière de M. Mac-Mahon, nommé par acclamation Président à vie de la nouvelle Société.

 

Le château de Sully - Illustration tirée de l'ouvrage La Chasse à travers les Âges - Comte de Chabot (1898) - A. Savaète (Paris) - BnF (Gallica)

 

A travers la personnalité de Mac-Mahon, l’anglomanie à la mode va pénétrer le monde de la vénerie tant pour les chevaux que pour les chiens. Cette anglomanie se traduisit ainsi par l’acclimatation de chiens anglais, achetés à Tatershall, qui très rapidement remplacèrent les 40 bâtards vendéens originels. Chassant principalement le sanglier, et quelques cerfs, le Rallye Bourgogne suscitait intérêt et jalousie. On attaquait toujours par principe de meute à mort, avec les chiens les plus vites et sans donner de relais. De nombreux paris engagés avec les veneurs qui conservaient les anciennes traditions françaises furent à l’origine de chasses extraordinaires.

 

D’une manière générale les chiens, anglais, comme aujourd’hui, forçaient le sanglier en un temps record, à la grande satisfaction du marquis de Mac-Mahon. Par contre les chasses au cerf se terminaient le plus souvent par la retraite manquée. Les paris étaient alors gagnés par les équipages de chiens français ou bâtards, car le chien anglais manquait de finesse et de sûreté dans le change, alors que les territoires du Rallye Bourgogne étaient vifs en grands animaux.

 

Le contraste était alors d’ailleurs saisissant entre les veneurs de l’Ouest et ceux de l’Est de la France. Tandis que chez les premiers, on distinguait le train modeste des équipages mais la grande science, la patience et la finesse des veneurs jointes à la perfection des chiens en beauté et en qualité, chez ceux de l’Est c’était la fougue, l’intrépidité et l’endurance qui se faisait remarquer dans le spectacle. D’Angleterre, les veneurs du Rallye Bourgogne importèrent aussi des chevaux de pur-sang modèle opposé au cheval morvandiau décrit par Foudras.

 

La circonscription de Cluny connaîtra alors une explosion de l’élevage de chevaux ; grâce à la vénerie et aux courses. Nées peu après 1890 en région parisienne, prirent leur essor en Saône-et-Loire, vers 1850, avec la Société d’Autun. L’anglomanie enfin atteint, les manières de vivre : c’est la création de clubs à l’anglaise, tel le Jockey Club, où on retrouve bon nombre de veneurs du Rallye Bourgogne, tel aussi le Cercle Agricole qui rassemble des éléments épars déterminés à lutter contre la Monarchie de Juillet.

 

Pendant 20 ans, le Rallye Bourgogne fut à chaque saison presque constamment en déplacement, du Nord au Sud de la Bourgogne, et même au-delà. Cela impliquait une organisation sans faille que de déplacer 80 chiens, 3 piqueurs, 3 valets de chiens, tous les chevaux et 30 sociétaires. Que l’on en juge pour les saisons 1841 à 1844 : la saison débute chez le Marquis de Chargères à Fours. Puis l’équipage remonte à la mi-octobre à La Chaume, en forêt de Châtillon sur Seine, puis Auberive, à la limite de la Haute-Marne pour cantonner à Faverolles, Chalancey, Champberceaux, Grancey le Château.

 

Les chasses en forêt d’Arc en Barrois sont rapportées par M. Robert du Gardier, garde général du Prince de Joinville, propriétaire du massif forestier. Il avait trois meutes : Mac-Mahon avec 60 chiens, Montmort avec 20 chiens et M. de Mun avec 40 chiens, le tout sous le fouet de La Forêt, jadis attaché à l’équipage du Duc de Berry, et de Racot. Sur 24 attaques on sonne 22 retraites prises.

 

Courant février 1841, l’équipage chasse à Rambouillet. Fin mars retraite sur la Bourgogne, en forêt d’Othe en limite de l’Yonne et de l’Aube. Encore 6 chasses à compter du 28 mars. L’équipage tient son quartier chez Noel Pistouf, aubergiste à Saint Médard en Othe. Il faut s’imaginer la cavalcade et le tohu-bohu dans les villages où s’arrêtait l’équipage. De nombreux veneurs du Rallye Bourgogne étaient membres de la Société de Rambouillet. Les déplacements de Rambouillet réunissaient les diverses meutes des sociétaires.

 

Une fois le déplacement terminé, chacun regagnait en chassant son propre territoire : pour le Rallye Bourgogne, c’était particulièrement les forêts de l’Yonne, de Côte d’Or et Saône-et-Loire. En 1843, la saison débute en Champagne en octobre pour s’y clore le 1er décembre. Les chasses sont dures et vites mais avec peu de prises : 10 et beaucoup de chiens blessés ou tués (21). Jean de Montmort est d’ailleurs blessé au genou .

 

Suivaient les chasses : Mac-Mahon, de Paris, Montmort, le Duc de Caylus, Perregaux, Comte de Gontant Biron, Pracomtal, Bernis, A. de Pina, Perrot de Chazelles, d’Agrain, Pigenat, Champonay, Courtivron, Vogüé et Villers le Faye.

 

L’équipage revient à Fours pour y chasser avec MM. de Vitry, de Marcy, de Gevaudan et Pazzis. En 1844, d’octobre à décembre, l’équipage transhume de Fours à Levroux dans l’Indre en passant par Aubigny, Valençay, Loches, Le Moulet, Nouant. M. de Villers la Faye note dans son livre de chasse : 17 sangliers et 4 cerfs. Suivirent le laisser-courre : Duc de Valençay, M. de Menou, Comte de Béthune.Fondateur du Rallye Bourgogne, le Marquis Charles de Mac-Mahon, ancien officier de cavalerie, montait intrépidement et très vite.

 

Comme il avait la vue basse et l’oreille fausse, il faisait sur ses chevaux de course des randonnées sans fin pour rattraper une chasse perdue. On alla même jusqu’à sonner des bien- allés étouffés par un mouchoir dans son pavillon pour le lancer dans la direction d’une chasse imaginaire. Propriétaire du domaine de Sully, en Saône-et-Loire, il composa un poème « La Saint Hubert ou quinze jours d’automne dans un château de Bourgogne ».

 

Louvetier de l’arrondissement d’Autun, frère du futur Duc de Magenta, Président jusqu’à sa mort (d’une chute de cheval au courses d’Autun en 1845), il fut catalyseur de ces énergies inemployées que furent dès 1832, les fondateurs.

 

Ceux-ci étaient : le marquis de Foudras, qui invita souvent l’équipage jusqu’à la vente de son château de Demigny en 1838 – le Comte E. de Montmort, chargé de situer les animaux – M. Ch de Vaublanc, à Mirande – M. de Chaudenay, responsable du Haras de Cluny – M. A. de Vaublanc – Comte E. de Mac-Mahon, frère de Charles – M. Th. Walsh – Marquis de la Ferté et son frère le Comte de Champlâtreux – Vicomte O. Exmiers, d’Archiac, diplomate et louvetier _ Marquis d’Espeuilles, sénateur sous l’Empire – Marquis Rostaing de Pracomtal, louvetier – M. de Rocquefeuil, M. L-F. de Tocqueville, préfet de Côte d’Or – M. J. Perret, sous-préfet – Marquis Th. de Villers-la-Faye – Marquis et Comte de Vitry – M. de Sassenay – M. Baillet de Sourza – M. de Wall, louvetier – A ceux- ci s’ajoutèrent en 1842 : Prince Th ; Galitzine – Comte A. de Bernis – M. J. Verny – M. Simonis de Brabançon – Comte de Mun – M. Pigenat – M. de Chazelles – Comte O. de La Rochefoucauld – M. de Beuverand – M. de Chassiron – Marquis Ch. De Vogüé – M. Champy de Boisrenard – M. Liger de Saint Pierre – Comte de Chastellux – Comte de Saluces.

 

Le décès du Marquis de Mac-Mahon en 1845, ralentit la vie et les déplacements de l’équipage. Son fils Carle reprit le fouet de 1845 à 1850.Les dernières chasses relatées par le journal des Chasseurs couvrent la période 1846-1847 : 21 prises dont 18 cerfs et biches et 3 daims sur 29 chasses, surtout à Rambouillet, mais aussi en Bourgogne.

 

En 1850, le Comte Etienne de Montmort, vie-président depuis 1842, reprend le fouet et s’installe à La Boulaye (Saône-et-Loire). M. J. Verry devient vice-président et M. de Villers La Faye, secrétaire. La cotisation était de 250 F plus 100 F de droit d’entrée. L’équipage continua durant quelques années ses triomphes. Puis les grands déplacements se terminent et les liens avec Rambouillet, dont la société est dissoute en 1852, se distendent. Après la mort de Racot en 1853, l’équipage commença à péricliter, mais en 1857, l’équipage renaît avec 11 boutons.

 

Le comte de Montmort fixe la résidence de l’équipage à Rouvres (Haute-Marne). Les effectifs sont réduits : 51 chiens dont 36 lices, 8 chiens et 7 limiers. Le piqueur est La Forêt assisté de Félix Legros, Lazard et Lambert.En 1858 : 13 prises pour 20 chasses.En 1859, 12 prises pour 23 chasses avec Charles Delamotte ancien valet de chien de la Vénerie Impériale comme piqueur. Mais pas de chasse en janvier suite au mauvais temps.

 

Etienne de Montmort - Tirée de Les Hommes des Bois (2008) - R. d'Osmond - Bibliothèques des introuvables (Paris)

Etienne de Montmort par Karl Reille - Tirée de Les Hommes des Bois (2008) - R. d'Osmond - Bibliothèques des introuvables (Paris)

 

En 1859, M. de Ligier de Saint Pierre, demeurant à Oisilly (Côte d’Or) est président pendant un an. A partir de 1860, le Comte de La Ferrière, nouveau président, redonna à l’équipage une nouvelle vigueur. Son château de Bierre-lès-Semur en devient la résidence et M. de Villers-La-Faye resta trésorier. La meute était alors de 60 fox-hounds, servis par deux hommes à cheval et deux à pieds et chassaient le cerf et le sanglier en forêts de Châteauvillain, Arc-en-Barrois, la Chaume, Gurgy le Château, bois d’Ailly et de Rouvres en Haute-Marne ; dans ces dernières forêts on n’attaquait que des cerfs.

 

En 1860-1861, 23 chasses avec 16 prises. En 1861-1862, 18 chasses avec 12 prises. La saison débute à Oisilly (Côte d’or) par des chasses sir le lièvre pour se mettre en haleine, puis en Champlitte et en forêt de Velours à côté de Mirabeau. En 1862-1863, 24 chasses en forêt d’Arc et 12 prises avec Delamotte et Lafeuillade comme piqueurs.En 1863-1865, pas de chasse en Arc, mais autour de la Roche en Brenil soit 20 sorties et 11 prises : piqueur : la Branche.

 

En 1865-1866, l’équipage, ne chasse plus que dans la région de Semur, Bierre, Arnay et Saulieu pour courrir le chevreuil et le sanglier, soit 14 chasses. Le livre de chasse se termine avec la saison 1866-1867 par l’indication de 5 prises pour 35 chasses et battues.

 

Liste des Boutons 1860-1865 :Comte Bérold Costa de Beauregard – M. Paul de La Motte – Comte de Piolenc – de Gournay – de Piépape – Comte d’Esterno – Vicomte Maurice de Saint Seine – Adolphe Dailly – Comte de Lauriol – Baron de la Roche Nuilly – Loiseau de Charriconduit – Comte Etienne de Ganay – de Lestra – de Froissard – Marquis de Piolenc – Comte Etienne de St Seine – Comte Sixte de St Seine d’Ursus – Steenackers – du Gardier.

 

Sous la présidence du Comtes de Ferrières, la Saint Hubert avait lieu à Arc. Les 20 gardes du domaine assistaient à la messe solennelle en grande tenue, la carabine au bras. Après l’offrande du pain, le prêtre bénissait le collier du chien d’attaque et à la fin de la messe, le chien lui-même était béni sous le porche. Il semblerait que la traditionnelle messe de Saint Hubert telle que nous la connaissons se soit fixée en ces circonstances.

 

L’équipage se dissout après 35 années en 1867. Que serait la vénerie en France sans Foudras et le Rallye Bourgogne ? Par son œuvre publiée dans Le Journal des Chasseurs animé par Léon Bertrand et ami d’Alexandre Dumas, Foudras a suscité un énorme brassage entre veneurs. L’extension du réseau ferré permettait de nouvelles liaisons impossibles 10 ans auparavant. La diffusion des journaux et des livres fit retentir les échos de ces chasses dans les terroirs les plus reculés.

 

Dès 1840, Le Journal des Chasseurs, avec les tablettes de Saint Hubert proposait de donner une publicité plus large aux adjudications ce qui aurait influencé les prix au bénéfice de l’administration.

 

La Bourgogne, entre Lyon et Paris dont les forêts sont vastes et giboyeuses, allait-elle être mise en coupe réglée ? Le Rallye Bourgogne a permis de relancer la vénerie en adaptant l’ancienne école de vènerie royale, faite de sagesse, de tactique, de lenteur et de science à l’image de la guerre au XVIIIème siècle, a une forme plus moderne, plus enlevée comme mûe par le brio napoléonien.

 

(D’après les textes de M. Siclon)

Race(s) de chiens Fox Hound
Anglais
Bâtard Vendéen
Chenils Château de la Sully 71400 Autun (1832 - 1850)
Château de La Boulaye 71320 La Boulaye (1850 - 1857)
Château de Rouvres 52210 Arc-en-Barrois (1857 - 1860)
Château de Bierre-lès-Semur 21390 Bierre-lès-Semur (1860 - 1867)
CerfDaimSanglier