Equipage de Saint-Martin

(1820 - 1907)

Maître(s) d'équipage Baron Le Couteulx, Comte Emmanuel Le Couteulx de Canteleu, Comte Le Couteulx de Gaumont (1820 - 1907)
TerritoiresForêt de Lyons, Divers
Devise(s)Harlou mes beaux, Vexin.
Fanfare(s)La Saint-Martin, La Le Couteulx
Historique

L’équipage fut fondé par le colonel Le Couteulx de Canteleu qui, sous le Premier Empire, épousa une d’Onsembray. Le premier, il eut une meute de griffons vendéens pour chasser le loup. En 1835, il était lieutenant de louveterie. En 1840, le comte Henri Le Couteulx fut associé au comte de Barral. Il chassait le loup et le sanglier, effectuant des déplacements en Bourbonnais et en Bourgogne. En 1852, le comte Emmanuel Le Couteulx de Canteleu, couplant avec lui, acheta à M. Brière d’Azy sa meute de griffons nivernais et la croisa avec un étalon du comte César de Moreton formant une meute de vingt chiens - possédant les sangs fameux des équipages de loup Moreton et Brière d’Azy.

 

C’est vers cette époque que l’équipage, couplant presque toujours avec le vicomte Henry d’Onsembray, prit la devise « Harlou mes Beaux, Vexin ». En 1868, le comte Le Couteulx de Canteleu acheta la meute de griffons du comte de Rolland. L’équipage avait pour associés les Le Couteulx de Caumont qui reprirent le bouton sans devise. Ce furent successivement le père d’Henry, Henry et son fils Hubert.

 

Deux vieux limiers pour le loup - Photo de Léon Crémière (1961) - Tirée de l'ouvrage La Chasse du loup (1861) - Emmanuel Le Couteulx de Canteleu - Bouchard-Huzard (Paris) - BnF (Gallica)

 

En 1870, la meute fut vendue à Sir Woldron’s Hill pour être reconstituée, en 1871, avec des blood-hounds, redonnant ainsi la race dite « de Saint Hubert » qui avait été conservée en Angleterre. C’était l’une des « races royales » : chiens puissants, noirs avec des taches de feu. A noter qu’il y avait quatre races royales : les chiens blancs du Roi, les chiens fauves de Bretagne, les chiens gris de Saint-Louis, les chiens de Saint-Hubert.

 

Le comte de Couteulx de Canteleu fut un très grand connaisseur des chiens. Il a, en outre, laissé de nombreux ouvrages cynégétiques, dont le Manuel de Vénerie Française en 1890.

 

Portrait d'Emmanuel Le Couteulx de Canteleu par Gaspar Soulat :

 

Emmanuel Le Couteulx de Canteleu était issu d’une famille qui, sous l’Ancien Régime, fit fortune dans les activités bancaires, possédant des comptoirs à Rouen, Paris et Cadix. Le grand-père de notre veneur normand, Barthélémy, connut d’importants succès dans le monde politique et dans celui des affaires : député du tiers état, il prêta serment au Jeu de Paume ; il fut ensuite l'un des fondateurs de la Banque de France. La fortune amassée par ce dynamique aïeul présida au mode de vie d’Emmanuel Le Couteulx de Canteleu. Des choses matérielles, il n’eut guère à se soucier.

 

En 1852, après une brève carrière dans les armes auprès de la garde de Louis-Napoléon Bonaparte, Emmanuel s’installa dans son château natal de Saint-Martin, commune d’Étrépagny, dans l’Eure. Depuis ce bastion posé au nord du Vexin, Le Couteulx de Canteleu pouvait bénéficier d’une forme de skholè, ce temps libre consacré aux loisirs respectables, prisé par les anciens grecs. Il s’adonna ainsi à la peinture de paysages, à l’écriture, à la sculpture, à la pêche (à l’aide de cormorans parfaitement dressés), à la création d’une race de bassets pour la chasse à tir, à la fauconnerie. Surtout, il devint le plus éminent spécialiste de la vènerie du loup, cet art spécifiquement français, dont il entendit énoncer les règles qu’il respecta scrupuleusement.

 

Dès son retour à Étrépagny, Emmanuel Le Couteulx de Canteleu montait un équipage avec des griffons venus du Nivernais et du Morvan. Ces chiens robustes, indépendants, endurants et courageux étaient prisés des louvetiers du milieu du XIXème siècle. Ces animaux étaient bâtis pour le courre du loup en terrain vallonné. Ils avaient pour origines les chenils de MM. Brière d’Azy et de Moreton, deux veneurs qui passèrent à la postérité grâce à la publication, par le marquis de Foudras, de sa Vènerie contemporaine. Le Couteulx de Canteleu chassa le grand canidé avec ses griffons jusqu’en 1870. L’équipage découplait en Normandie, se déplaçait dans le Bourbonnais.

 

Emmanuel fut de ceux qui connurent les dernières chevauchées romantiques derrière le loup dans la moitié nord de la France. Selon le livre de chasse du petit équipage de Saint-Martin, on poursuivit un jour un animal jusqu’à épuisement des montures. On attaqua à 10 kilomètres d’Étrépagny. On parcourut ensuite 65 kilomètres pendant le laisser-courre avant de retraiter à la nuit sur 40 kilomètres, soit un total de 115 kilomètres parcourus à cheval, de l’aube au crépuscule…

 

En forêt, Emmanuel Le Couteulx de Canteleu était un veneur redoutable. Valet de limier hors pair, il jugeait les animaux et leur vol-ce-l’est en un instant, sans se fourvoyer. Il chassait avec instinct et savoir. Il fut dit qu’il possédait le cran et l’aplomb propres aux chasseurs de loups et de sangliers mêlés à la circonspection et à la science des veneurs de chevreuils ou de lièvres.

 

En 1858, instruit par mille observations, Le Couteulx de Canteleu fit paraître La Vénerie française, qui sera rééditée et augmentée en 1890 sous le titre de Manuel de vénerie française. Cet ouvrage s’inscrit dans la tradition des grands traités de vènerie d’Ancien Régime. Il explique la manière de faire le bois, prodigue de précieux conseils pour mener un équipage selon l’animal chassé, présente les différentes races de chiens courants de l’époque, définit les termes de vènerie, etc.

 

En 1861, est publiée La chasse du loup, autre ouvrage majeur. Cette parution est le premier livre consacré à la chasse à courre illustré par des photographies (œuvres de Léon Crémière). On y prône une éthique de la vènerie pure, exigeante, élégante même ; tandis que, de l’aveu de l’auteur, il ne reste presque plus d’équipages convoitant exclusivement le grand prédateur au moment où le texte est imprimé. Dans des chapitres intitulés « Des connaissances du loup » ou « De la manière de faire le bois et de détourner le loup », le maître de Saint-Martin donne la pleine mesure de son érudition. L’ensemble est guidé par une nostalgie teintée d’optimisme : « Que cette chasse périsse en France ou qu'elle renaisse plus tard, ce que que je souhaite, ce petit traité pourra rappeler aux amateurs futurs un des plus nobles et des plus utiles délassements des gentilshommes campagnards du pays où est née la chasse à courre. »

 

Il serait vain d’entreprendre le résumé des très importants travaux d’éleveur réalisés par Emmanuel Le Couteulx de Canteleu. Signalons simplement qu’il fut de ceux qui apprivoisèrent des louvards pour faire chasser leurs descendants, croisés avec des chiens d’ordre, et qu’il mit sur pied une meute de chiens de Saint-Hubert (originaires de l’équipage anglais d’Holford), apte à prendre les sangliers du Vexin. Dans les années 1870, il mêla des chiens anglais à ses beaux Saint-Hubert pour courir cerfs et bêtes noires en Normandie.

 

Emmanuel Le Couteulx - L'Armorial de la vénerie (1895) - Société de Vènerie

Emmanuel Le Couteulx - L'Armorial de la vénerie (1895) - Société de Vènerie

 

En 1891, un accident de voiture attelée le contraignit à vendre sa meute. Il remonta ensuite un vautrait dont la direction fut assurée par son gendre. Le Couteulx de Canteleu, vieux défenseur des anciennes races françaises, achèvera sa vie de veneur derrière de rapides et hargneux Foxhounds venus d’outre-Manche. Les représentations connues de notre veneur de loup en font un homme élégant, à la mine austère, aux yeux tombants, le visage orné d’une barbe blanche, abondante mais bien taillée. Il avait la belle allure des cavaliers d’expérience, le rein naturellement gainé. Piètre musicien, Le Couteulx de Canteleu ne portait pas de trompe. On a même chuchoté qu’il n’était pas capable de reconnaître La Saint-Martin, la fanfare de son équipage. Il fallait bien que ce chasseur aux connaissances encyclopédiques eût quelques défauts.

Race(s) de chiens Griffon Vendéen
Bloodhound
Anglais
Chenil Château de Saint-Martin 27150 Étrépagny (1820 - 1907)
LoupCerfSanglierRenard